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6 janvier 2011 4 06 /01 /janvier /2011 11:27

Voeux-2011.JPG

 

Voici un petit texte sur noël que j'ai bien apprécié, je vous le partage pour vos résolutions de 2011.

 

Conte de Noël: L'humour de l'enfant Jésus

(Alain Patin, bibliste, prêtre du diocèse de Paris)

 

Recueillie lors d'un récent voyage sur la route de la soie, voici la véritable histoire des mages ; ils ne s'appelaient pas Gaspard, Melchior, ni Balthazar : en fait ils venaient d'Ouzbékistan. Voici leurs vrais noms : le premier s'appelait Al-Ghoresmi, un puits de science, capable de résoudre les énigmes les plus complexes, puis venait Tilla Kori, c'est-à-dire « cousu d'or », tellement il était riche, et le troisième, majestueux, auréolé d'une réputation de sainteté, se nommait Ismail Samani : c'était un expert religieux. Ils étaient accompagnés d'un serviteur, Nasruddin, surnommé Effendi, une sorte de « fou du roi », doté d'un humour décapant. Partis à l'aventure pour accroître qui son savoir, qui ses richesses, qui sa sainteté, ils s'étaient égarés. Ils entendirent parler d'un roi très sage, très riche et très versé dans la religion. Pensant qu'ils gagneraient quelque chose à le rencontrer, ils se hâtèrent vers Bethléem, où il séjournait. Mais grande fut leur déconvenue quand ils arrivèrent et découvrirent un simple enfant nouveau-né, couché dans une étable; ils pensèrent furieux qu'on s'était moqué d'eux. Mais Nasruddin, perché sur son âne, qui en avait assez de la longue route poussiéreuse, leur conseilla de rester là quelque temps. Et la longue caravane s'installa donc dans les parages.

En cachette Al-Ghoresmi, le savant, s'en vint trouver l'enfant. Il lui exposa une énigme célèbre que bien peu ne pouvaient déchiffrer. L'enfant répondit par des cris stridents. Voyant le maître de sagesse désarçonné par ces cris, Effendi se précipita et lui fit cette suggestion: «Maître, c'est un cri d'admiration devant la profondeur de ton savoir; l'enfant t'invite à poursuivre tes recherches; il ne voudrait surtout pas te ravir cette première place que tu occupes si bien. » Al-Ghoresmi s'en trouva flatté; car il craignait de trouver plus savant que lui. Mais comme les cris de l'enfant redoublaient, Effendi lui murmura : « Maître, prends-le un peu dans tes bras et berce-le. » Le savant s'exécuta et l'enfant s'apaisa : une douceur soudaine envahit Al-Ghoresmi ; il sentit s'éveiller en lui un sentiment nouveau et inconnu : la tendresse. Le puits de science découvrait quelque chose de radicalement neuf et il en fut tout troublé...

 

Sans le dire aux autres, Tilla Kori se rendit de nuit auprès de l'enfant. Il avait revêtu ses plus beaux atours, des vêtements tissés d'or et de pierreries, ses nombreux serviteurs portaient des vases précieux et des sacs débor­dants de monnaies fabuleuses. Il pensait faire grosse impression à l'enfant-roi. Mais là encore son arrivée ne déclencha que de grands cris. Effendi, qui n'était pas très loin, s'avança : « Maître, ce sont des cris d'émerveillement devant ton étonnante richesse, une manière qu'a trouvée l 'enfant pour reconnaître ton rang. » Cela rassura Tilla Kori, toujours inquiet pour ses biens et sa réputation. Mais l'enfant continua de crier de plus belle et Tilla Kori ne savait que faire. Effendi se dit que son maître, habitué à palper pièces d'or et joyaux, serait trop déstabilisé par le contact avec une chair tendre, c'est pourquoi il lui fit cette proposition : « Maître, agite auprès de l'enfant cette précieuse chaîne d'or qui orne ton cou ; peut-être cela le calmera. » Tilla Kori s'exécuta et l'enfant, étonné par le cliquetis des pièces et des diamants, se mit à sourire. Il se produisit alors quelque chose que Tilla Kori lui-même ne comprit pas, lui qui était avare et âpre au gain, détacha le collier qu'il portait et le donna à l'enfant. Cela éveilla en lui une joie toute nouvelle; il n'avait jamais connu un tel bonheur…

 

Ismail Samani prit son temps avant de se rendre auprès du petit; il voulait l'impressionner, car il savait que Dieu s'exprimait souvent par la bouche des enfants. Revêtu de ses ornements les plus soignés et précédé d'une cohorte d'acolytes nappés d'encens, il parut au sein d'un tourbillon d'odeurs envoûtantes. Des chantres entonnèrent une hymne en langue ancienne et mystérieuse, Ismail était sûr de son effet. Un moment l'enfant fut ébahi et resta muet, mais cela ne dura pas ; il se mit à hurler tellement fort qu'Ismail Samani ne put s'empêcher d'enfoncer son bonnet d'apparat jusqu'aux oreilles. Effendi, un peu perdu au milieu de tout ce décorum, parvint à se glisser jusqu'à son maître pour lui suggérer : « Est-il possible, Maître, que tu fasses cesser ces chants grandioses et que tu entonnes la berceuse que ta nourrice te chantait quand tu étais enfant?» Ismail refusa; cela ne convenait pas à sa dignité. Mais comme la situation empirait, ne sachant plus que faire, il ordonna qu'on fasse silence et il se mit à fredonner la chanson enfantine qui avait bercé ses nuits de bébé. Et bientôt l'enfant se calma et sourit. Ismail y lut un formidable secret : on pouvait à tout âge redevenir comme un petit enfant, renaître avec un cœur nouveau. Et il rendit grâce à son Dieu de cette découverte !

 

Ils reprirent la route vers leur beau pays. Nasruddin Effendi, bercé par le balancement de son âne, aimait composer des comptines qu'il chantait sur des airs connus. I1 fredonna: « J'aurais beau avoir toute la science, s'il me manque l'amour cela ne sert de rien ;J 'aurais beau avoir toutes les richesses du monde, sans amour cela ne vaut rien ; j'aurais beau être le plus religieux des hommes, si je n'aime pas à quoi bon ! »  Il pensa que peut-être un jour quelqu'un reprendrait ses paroles, qui sait ?  

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